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11 juillet 2020 6 11 /07 /juillet /2020 00:58

Basilique byzantine, mosquée ottomane, musée de la république

Edifiée par Justinien en 537, Sainte Sophie ou la "Divine Sagesse" fut, pendant 916 ans, le symbole de l’orthodoxie et resta la plus grande église du monde jusqu’à l’achèvement de la cathédrale Notre-Dame du Siège de Séville.

Convertie en mosquée en 1453 à la conquête de Constantinople par Mehmet le Conquérant, elle devint un musée à l’époque d’Atatürk en 1934. Elle était considérée depuis comme le symbole du pluralisme religieux de la Turquie.

Istanbul : encore un tour  à Sainte-Sophie

La réouverture de Sainte-Sophie au culte musulman

Le vendredi 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat turc a déclaré illégale puis annulé la décision de 1934 qui avait fait de Sainte-Sophie un musée « offert à toute l’humanité ». Un décret présidentiel a suivi pour remettre les clés du musée à la Direction des Affaires religieuses afin de rouvrir le lieu au culte, tout en s’engageant à ce qu’il reste ouvert à la visite pour tous, Turcs ou étrangers, musulmans et non musulmans ; la première prière y aura lieu le vendredi 24 juillet…

Depuis les trois décennies que je vis en Turquie, le sujet de la réouverture de Sainte-Sophie au culte musulman a été débattu des dizaines de fois, voire utilisé par certains comme argument de campagne électorale destiné aux traditionnalistes, qui d’ailleurs, dès l’annonce de la décision, se sont assemblés devant le musée en criant « les chaînes ont été brisées ! », pour fêter ce qu’ils nomment une « résurrection ».

Istanbul : encore un tour  à Sainte-Sophie

Le destin des mosaïques

Qu’en était-il exactement dans la réalité ? En dépit de son statut officiel de musée, depuis 1991, un emplacement de Sainte-Sophie, qui avait son propre imam, avait été affecté à la prière, dans l’espace jadis réservé au repos du sultan ; et depuis 1996, l’appel à la prière était lancé depuis l’un des quatre minarets.

Mais l’inquiétude des amateurs d’histoire porte désormais sur le destin des célèbres mosaïques, recouvertes de badigeon blanc pendant la transformation en mosquée puis dévoilées et restaurées à grands frais pendant des décennies lors de la période du musée ; les partisans de la reconversion en mosquée disent qu’elles se situent au- dessus des portes d’entrée des vestibules et surtout dans la tribune de l’étage, ce qui ne constitue pas un obstacle à la prière, puisqu’on ne les voit pas. Par contre, que deviendront la Vierge Marie et l’archange saint Michel de l’abside ? Certains proposent de les cacher par des projecteurs de lumière sombre lors de la prière. En ce qui concerne les quatre célèbres séraphins ornant les contreforts, à l’époque ottomane, on avait masqué leur visage avec des cabochons dorés (qui subsistent toujours, seule la face de l’un des quatre a été dévoilée.)

A la Sainte-Sophie de Trabzon, redevenue mosquée en 2013, des panneaux blancs délimitent les espaces réservés à la prière, ce qui permet d'apercevoir les fresques d’origine mais empêche désormais toute vision d’ensemble de l’édifice (Précisons au passage que les habitants de Trabzon, qui avaient milité pour que la Sainte-Sophie de leur ville soit réouverte au culte, ont vite déchanté car désormais, il n'y a plus de touristes... )

Mosaïque de l'entrée sud-ouest de Sainte-Sophie. Constantin présente à la Vierge une maquette de la ville de Constantinople et Justinien lui offre la basilique...

Mosaïque de l'entrée sud-ouest de Sainte-Sophie. Constantin présente à la Vierge une maquette de la ville de Constantinople et Justinien lui offre la basilique...

Détail de la Déisis, dans la galerie supérieure...

Détail de la Déisis, dans la galerie supérieure...

Quel avenir pour Sainte-Sophie ?

 Jusqu’à ce jour, les deux lieux les plus visités de Turquie étaient le palais de Topkapi et Sainte Sophie, avec environ trois millions de visiteurs chacun par an. Sainte-Sophie redevenue mosquée, l’entrée en sera-t-elle gratuite ? La somme rapportée par les billets d’entrée ne manquera-t-elle pas pour entretenir le bâtiment ? Ajoutons cependant que des rumeurs affirment qu'il faut faire la différence entre "ouvrir au culte" et "transformer en mosquée" ; pour le moment, on est encore dans le premier cas de figure, ce qui n'empêche pas de faire payer l'entrée pour la visite... Mais ce ne sont que des suppositions...

L’Unesco, qui avait classé Sainte-Sophie sur la liste du Patrimoine mondial de l'Humanité, s’est déclaré déçu par l’absence de dialogue concernant son changement de statut. Quant aux professionnels du tourisme en Turquie, ils ne dissimulent pas leur désarroi…

 

Istanbul : encore un tour  à Sainte-Sophie

Bon, disons que cette très vieille dame de Sainte-Sophie en a vu d’autres ; la première basilique de l’histoire chrétienne, élevée par l’empereur Constantin en 360 et nommée « Grande Eglise », brûla lors d’un soulèvement populaire. La deuxième, construite par Théodose en 415, disparut aussi dans un incendie en 532, lors de la sédition Nika, qui faillit renverser Justinien. Ce dernier confia alors au physicien Anthémius de Tralles et au mathématicien Isidore de Millet la réalisation de son pharaonique projet. Dix mille ouvriers travaillèrent durant cinq ans à l’édification de l’église actuelle, pour élever un sanctuaire « tel que depuis Adam, il n’y en eut jamais et qu’il n’y en aura jamais plus », doté d’une coupole d’or haute de cinquante-sept mètres symbolisant le passage de la terre au ciel.

En 1204, Sainte-Sophie fut entièrement pillée par les croisés de la Quatrième croisade, qui brisèrent même son autel. En 1453, après la conquête de Constantinople, elle fut convertie en mosquée ; en 1934, elle fut changée en musée… En 2020, elle est rouverte au culte musulman… Personne ne peut prévoir ce qu’il adviendra, dans les siècles à venir, d’un des plus prestigieux monuments de toute la planète…

Un des quatre séraphins aux six ailes sous la coupole...

Un des quatre séraphins aux six ailes sous la coupole...

En me concerne, je n’ai aucune intention d’alimenter les polémiques mais j’étais allée, il y a une dizaine de jours, profiter de Sainte-Sophie vide de touristes (en raison de la crise du Covid-19) et revoir une dernière fois « tel qu’il était » et « tel que je l’aimais », cet édifice exceptionnel dont la beauté UNIQUE au monde consistait justement en le mélange des symboles chrétiens et musulmans …

Istanbul : encore un tour  à Sainte-Sophie
La Vierge Marie de l'abside, la célèbre Théotokos du lieu,  les cartouches ronds et la chaire à prêcher, mélange parfait des deux religions...

La Vierge Marie de l'abside, la célèbre Théotokos du lieu, les cartouches ronds et la chaire à prêcher, mélange parfait des deux religions...

Istanbul : encore un tour  à Sainte-Sophie

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Contributions : Un roman turc de Claude Farrère, Le Jardin fermé, Un Drame à Constantinople...
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Livres de Gisèle Durero-Köseoglu

2003 : La Trilogie d’Istanbul I,  Fenêtres d’Istanbul.

2006 : La Trilogie d’Istanbul II, Grimoire d’Istanbul.

2009 : La Trilogie d’Istanbul II, Secrets d’Istanbul.

2004 : La Sultane Mahpéri, Dynasties de Turquie médiévale I.

2010 : Mes Istamboulines, Récits, essais, nouvelles.

2012 : Janus Istanbul, pièce de théâtre musical, livre et CD d’Erol Köseoglu.

2013 : Gisèle Durero-Köseoglu présente un roman turc de Claude Farrère,  L’Homme qui assassina, roman de Farrère et analyse.

2015 : Parution février: Sultane Gurdju Soleil du Lion, Dynasties de Turquie médiévale II.

 

 

 

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