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3 septembre 2020 4 03 /09 /septembre /2020 14:36

Ma dramatique expérience personnelle : une personne de 90 ans aux urgences

« Ses lunettes ? Il n’y a rien à voir, il n’y a que le plafond à regarder ! »

En ce qui me concerne, c’est en juillet 2020 que j’ai eu la triste occasion de me rendre compte par moi-même que oui, lorsqu’on dépasse un certain âge, on n’est plus soigné avec autant, disons, de conviction…

Le 24 juillet, je me trouvais depuis un mois auprès de ma mère, âgée de 90 ans ; elle s’était réveillée le matin « fatiguée », bien qu’elle soit une personne très dynamique et entièrement autonome. A midi, en marchant, elle se met à avoir « la tête qui tourne », au point de ne plus pouvoir se rendre à sa chambre sans mon aide. J’appelle SOS médecins, j’explique la situation, 90 ans, bref, on me dit qu’il n’y a aucun docteur disponible pour venir ; j’appelle le Samu, même discours. Constatant que les vertiges s’aggravent, je me résous à appeler les pompiers, nos valeureux sauveteurs anges-gardiens, toujours efficaces, et ma mère, dix minutes plus tard, est conduite aux urgences de l’hôpital d’une célèbre station balnéaire de la Côte d’Azur.

J’avais suivi l’ambulance tout en sachant que je ne pourrais entrer dans le service mais je demande au secrétariat si on peut remettre à ma mère ses lunettes car elle a des problèmes de vue.

Réponse de la dame : « Elle n’a pas besoin de ses lunettes, il n’y a rien à voir, il n’y a que le plafond à regarder ! » Je demande comment je pourrai obtenir de ses nouvelles : « Rappelez dans une heure ».

Une heure plus tard, je téléphone, impossible d’obtenir la doctoresse qui s’occupe de ma mère. « Rappelez dans une heure », me dit-on à nouveau. Encore une heure plus tard, je rappelle donc et on me dit : « Il y en a marre que tout le monde appelle pour obtenir des nouvelles de cette dame ! » Je lui rétorque que « tout le monde », c’est moi et que c’est elle qui m’a dit de rappeler une heure plus tard… Le serpent se mord la queue… Ce cirque continue jusqu’à 20h30.

Aux urgences à 90 ans : il est donc si facile de laisser mourir les vieux ?

Vertiges : « Ce n’est qu’une infection urinaire due à son âge ! »

A 20h30, je reçois un coup de fil des Urgences, enfin, c’est la doctoresse qui m’annonce d’une voix triomphale : « Elle est sortante, tout va bien, ce n’est qu’une infection urinaire due à son âge, venez la chercher ». Très étonnée par ce diagnostic pour des vertiges, je pars la chercher ; elle-même est très décontenancée par ce qu’a dit la doctoresse car elle continue à avoir la tête qui tourne. Elle est si fatiguée qu’elle s’endort dans la voiture et que j’ai du mal à la remonter à la maison. Dès notre arrivée, elle se couche et tombe dans un sommeil très profond.

L’AVC : « vous êtes sûre qu’elle n’est pas en train de ronfler ? »

Trois heures plus tard, alors que je travaille à mon ordinateur, j’entends ma mère se lever. Je vais immédiatement voir comment elle se porte et au bout de quelques paroles, elle tombe violemment sur son lit, perd connaissance et sa respiration devient un râle terrible résonnant dans toute la maison. En panique, je rappelle les urgences de l’hôpital, et là, on me dit : « Vous êtes sûre qu’elle ne s’est pas endormie et qu’elle n’est pas en train de ronfler ? »

Dégoûtée, je raccroche et je rappelle vite les anges-gardiens, les pompiers, en leur demandant de bien vouloir conduire cette fois ma mère à l’hôpital où j’avais accouché autrefois de mes deux fils. Le médecin qui les accompagne me fait comprendre au bout d’une demi-heure de tentative de réanimation à la maison, qu’il n’y a plus rien à faire, que c’est sans doute un AVC fatal, que ma mère ne se réveillera pas et que d’ailleurs, on ne la mettra pas en soins intensifs car de toute façon, si elle se réveillait, elle garderait des séquelles neurologiques terribles (décision que j’approuve totalement car ma mère n’aurait pas voulu d’acharnement thérapeutique). Ma mère est décédée trois jours plus tard sans être sortie du coma.

Aux urgences à 90 ans : il est donc si facile de laisser mourir les vieux ?

Alors, la question que je me pose :

Certes, on peut me dire qu’elle avait 90 ans et que son heure était arrivée. Mais lorsqu’elle a été conduite la première fois aux urgences pour vertiges, est-ce que ce n’était pas tout simplement les prémisses de l’AVC qui l’a emportée quelques heures plus tard ? Si elle avait été plus jeune, l’aurait-on renvoyée à la maison avec un diagnostic d’infection urinaire ? Est-ce qu’il n’y avait vraiment « rien à faire », un médicament à administrer, pour empêcher l’AVC ? N’étant pas médecin, je ne peux répondre à ces interrogations. Mais je garderai toujours un doute dans le cœur… Je me pose des questions, je me pose des questions…

 

PS : Au passage, j’en profite pour témoigner toute ma reconnaissance aux pompiers, merci pour votre aide, chers anges-gardiens…

Méditation sur ce qui s’est passé en 2020

Déjà, l’Italie et la France avaient défrayé la chronique internationale lors de la crise du Covid-19 avec la rumeur disant qu’on y laissait mourir les vieux dans les Ehpad, sans même chercher à les soigner ou à les conduire à l’hôpital. Je me trouvais alors confinée à l’étranger et les personnes que je rencontrais me demandaient d’un air soupçonneux : « Est-ce que c’est vrai que chez vous, on ne soigne pas les vieux ? Et même, qu’on les tient enfermés dans les maisons de retraite en interdisant à leur famille d’aller les voir ? » Et tous s’étonnaient : « Quoi, dans un pays aussi démocratique que la France, qui descend dans la rue au moindre mécontentement, personne n’est allé manifester pour sauver ses parents ? Chez nous, où on ne manifeste pas par crainte de la répression, c’est sûr qu’on serait allé enfoncer la porte des maisons de retraite pour sauver nos aînés ! » Ces paroles m'avaient longtemps donné à réfléchir... Maintenant, c'est pire...

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  • La Trilogie d'Istanbul : Fenêtres d’Istanbul, Grimoire d’Istanbul, Secrets d’Istanbul. La Sultane Mahpéri, Mes Istamboulines, Janus Istanbul (avec Erol Köseoglu), Sultane Gurdju Soleil du Lion.
Contributions : Un roman turc de Claude Farrère, Le Jardin fermé, Un Drame à Constantinople...
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Livres de Gisèle Durero-Köseoglu

2003 : La Trilogie d’Istanbul I,  Fenêtres d’Istanbul.

2006 : La Trilogie d’Istanbul II, Grimoire d’Istanbul.

2009 : La Trilogie d’Istanbul II, Secrets d’Istanbul.

2004 : La Sultane Mahpéri, Dynasties de Turquie médiévale I.

2010 : Mes Istamboulines, Récits, essais, nouvelles.

2012 : Janus Istanbul, pièce de théâtre musical, livre et CD d’Erol Köseoglu.

2013 : Gisèle Durero-Köseoglu présente un roman turc de Claude Farrère,  L’Homme qui assassina, roman de Farrère et analyse.

2015 : Parution février: Sultane Gurdju Soleil du Lion, Dynasties de Turquie médiévale II.

 

 

 

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